Nommer un vice-président de la Commission chargé de simplifier et d’alléger le fardeau réglementaire européen, faut-il en arriver là ?
1. Simplifier les règles pour renforcer la compétitivité de l’Union européenne
Lundi 9 septembre, l’ancien Premier ministre italien et ex-patron de la BCE, Mario Draghi présentait son rapport sur l’avenir de la compétitivité de l’Union européenne (lien : https://commission.europa.eu/topics/strengthening-european-competitiveness/eu-competitiveness-looking-ahead_en)L’Union européenne (UE) est en effet confrontée à un défi majeur : l’excès de charge réglementaire et administrative qui entrave la compétitivité de ses entreprises sur la scène internationale. Cette surcharge impacte la productivité sectorielle en augmentant les coûts opérationnels et en érigeant des barrières à l’entrée pour les nouvelles entreprises, ce qui décourage la concurrence et l’innovation.
2. Un fardeau réglementaire quantifié
Des études révèlent l’ampleur du problème. En 2014, le Groupe Stoiber a estimé que le fardeau administratif de l’UE s’élevait à 150 milliards d’euros par an, soit 1,3 % du PIB de l’Union. En incluant les coûts liés aux procédures complexes, aux exigences nationales excessives et aux normes d’étiquetage non harmonisées, le coût d’opportunité d’un manque d’harmonisation atteindrait 200 milliards d’euros par an.La comparaison avec les États-Unis est édifiante. Au cours des trois derniers mandats du Congrès américain (2019-2024), environ 3 500 textes législatifs ont été adoptés au niveau fédéral. Pendant la même période, l’UE a adopté environ 13 000 actes législatifs, dont 515 actes législatifs ordinaires, 2 431 autres actes législatifs, 954 actes délégués et 5 713 actes d’exécution. Cette prolifération législative complexifie l’environnement des affaires dans l’UE.Un problème qui a été résumé dans la célèbre déclaration d’Emma Marcegaglia, ancienne présidente de la Confindustria, le syndicat patronal italien : « Lorsqu’une nouvelle technologie apparaît, les Américains la commercialisent, les Chinois la copient et les Européens la régulent. »
3. Principales difficultés rencontrées par les entreprises
Les difficultés sont nombreuses :
- Accumulation et complexité législative : Les entreprises doivent naviguer à travers une multitude de réglementations souvent changeantes, entraînant des chevauchements et des incohérences. Par exemple, le cadre de reporting en matière de durabilité impose aux entreprises des coûts de conformité élevés, estimés entre 150 000 euros pour les entreprises non cotées et 1 million d’euros pour les entreprises cotées.
- Transposition nationale et « gold-plating » : Les États membres ajoutent parfois des exigences supplémentaires lors de la transposition des directives européennes, un phénomène connu sous le nom de « gold-plating ». Cela augmente la charge administrative pour les entreprises. Le Règlement général sur la protection des données (RGPD) en est un exemple notable. Bien qu’il vise à harmoniser la protection des données au sein de l’UE, sa mise en œuvre varie entre les États membres, certains ayant plusieurs autorités de protection des données (par exemple, l’Allemagne en compte 16). Les coûts de conformité au RGPD peuvent atteindre jusqu’à 500 000 euros pour les PME et 10 millions d’euros pour les grandes organisations.
- Impact disproportionné sur les PME et les petites ETI : Les petites et moyennes entreprises (PME) et les petites entreprises de taille intermédiaire (ETI) supportent une charge réglementaire proportionnellement plus lourde que les grandes entreprises. En 2023, 55 % des PME ont identifié les obstacles réglementaires et la charge administrative comme leur plus grand défi. Pour les petites ETI, les coûts de conformité liés à certaines réglementations, comme la directive sur le reporting en matière de durabilité, représentent jusqu’à 12,5 % de leurs volumes d’investissement.
4. Objectifs pour une meilleure compétitivité
Face à ces défis, plusieurs objectifs clés ont été définis pour améliorer la compétitivité de l’UE :
- Simplifier l’acquis communautaire : Il s’agit de rationaliser la législation existante pour éliminer les chevauchements, les incohérences et réduire la complexité réglementaire.
- Améliorer l’application de la législation du marché unique : Renforcer l’application cohérente des règles au sein des États membres pour garantir un environnement commercial équitable.
- Adapter le régime réglementaire pour les PME et les petites ETI : Appliquer le principe de proportionnalité pour réduire le fardeau réglementaire sur les petites entreprises, favorisant ainsi leur croissance et leur compétitivité.
- Promouvoir l’innovation : Créer un environnement réglementaire favorable qui encourage l’innovation et l’adoption de nouvelles technologies.
5. Propositions concrètes pour une réglementation plus efficace
Le rapport propose plusieurs solutions :
- Rationalisation sous la supervision d'un Vice-Président pour la simplification :
- Évaluation systématique : Au début de chaque mandat de la Commission, une période dédiée serait consacrée à l'évaluation de la législation existante par secteur, identifiant les lois obsolètes, redondantes ou inefficaces.
- Codification et consolidation : Sur la base de cette évaluation, les lois seraient codifiées et consolidées pour éliminer les chevauchements et les incohérences, simplifiant ainsi le corpus législatif.
- Application du principe "lex specialis" : Clarifier que, en cas de conflit entre des lois européennes, les règles sectorielles spécifiques prévaudraient automatiquement, assurant une plus grande sécurité juridique.
- Adoption d'une méthodologie unique pour quantifier les coûts :
- Évaluation cohérente des impacts : Une méthodologie standardisée serait utilisée par la Commission, le Parlement européen, le Conseil et les États membres pour évaluer les coûts des nouvelles législations et des amendements proposés.
- Transparence : Les données sur la charge réglementaire et administrative seraient régulièrement publiées, indiquant les responsables au sein des institutions européennes.
- Minimisation des coûts de transposition et renforcement de l'application :
- Renforcement du SMET : Le rôle du Groupe de travail sur l'application du marché unique serait renforcé pour surveiller la transposition correcte des règles par les États membres.
- Évaluation par les États membres : Les États membres seraient tenus d'évaluer et de publier l'impact de leurs mesures de transposition, y compris les cas de "gold-plating".
- Coopération renforcée : Encourager la collaboration entre les autorités nationales pour assurer une application cohérente et réduire les coûts de conformité pour les entreprises.
- Application du principe de proportionnalité pour les PME et les petites ETI :
- Réduction des coûts de reporting : L'objectif est de réduire de 25 % les coûts liés aux obligations de reporting, avec des réductions supplémentaires spécifiques pour les PME, pouvant aller jusqu'à 50 %.
- Mesures d'atténuation : Reporter ou ajuster les initiatives législatives ayant un impact disproportionné sur les petites entreprises et introduire des mesures pour atténuer cet impact.
- Révision du système des groupes d'experts de la Commission :
- Rationalisation : Réduire le nombre de groupes consultatifs (actuellement plus de 1 000) pour améliorer l'efficacité des consultations et éviter les chevauchements.
- Amélioration de la qualité des consultations : Assurer que les avis des parties prenantes sont pris en compte de manière significative dans l'élaboration des politiques.
- Création de « hubs d'innovation de l'UE » :
- Coordination des "bacs à sable" réglementaires : Utiliser les représentations de l'UE dans les États membres pour coordonner les initiatives nationales visant à faciliter l'innovation, en particulier dans les secteurs clés comme les technologies numériques.
- Informations centralisées : Fournir aux entreprises innovantes des informations centralisées sur les opportunités et les régimes réglementaires favorables disponibles à travers l'UE.
6. Vers une Union européenne plus compétitive et innovante
En mettant en œuvre ces propositions, l'UE viserait à transformer sa réglementation en un atout compétitif. Un corpus législatif cohérent et simplifié favoriserait la croissance économique, stimulerait l'innovation et renforcerait la compétitivité des entreprises européennes sur la scène internationale. L'accent mis sur la réduction de la charge réglementaire pour les PME et les petites ETI contribuerait à libérer leur potentiel, tout en assurant que l'environnement réglementaire reste favorable aux avancées technologiques et aux nouveaux modèles d'affaires.ConclusionLa simplification des règles est essentielle pour permettre aux entreprises européennes de prospérer dans un environnement mondial concurrentiel. En adoptant une approche stratégique pour rationaliser la législation, en évaluant rigoureusement l'impact des nouvelles lois et en adaptant le régime réglementaire aux besoins des petites entreprises, l'UE peut créer un écosystème dynamique qui favorise la compétitivité, l'innovation et la croissance durable.